Juridique

Six conseils pour rédiger un testament incontestable

Le testament olographe, c’est-à-dire rédigé seul, est la forme la plus courante et la plus simple pour organiser ses dernières volontés. Attention, il est parfois contesté en justice. Mieux vaut donc s’assurer de sa validité juridique.

1. Le rédiger seul

L’article 968 du Code civil prohibe les testaments conjoints, c’est-à-dire établis par plusieurs personnes. Il doit être fait dans un acte unilatéral pour que la liberté de prévoir ses dernières volontés soit préservée et que la possibilité de révoquer les dispositions qu’il contient soit assurée. Dans une affaire où deux partenaires de Pacs se léguaient mutuellement tous leurs biens dans un seul acte, la Cour de cassation a considéré que le document ne valait pas testament. Les héritiers désignés par la loi (en l’espèce la mère, les deux sœurs et le frère) ont obtenu gain de cause face à la partenaire de Pacs survivante (Cass. 1re Civ., 4 juillet 2018, n° 17-22934).

2. Révoquer le précédent

À tout moment, il est possible de modifier ou de révoquer son testament, sans avoir à fournir de motif. Première solution : changer un ou plusieurs points, sans pour autant le refaire entièrement, en rédigeant un « codicille ». Celui-ci doit être entièrement écrit de la main du testateur, daté, signé et indiquer très clairement la disposition qu’il remplace. La seconde : annuler expressément son testament en en rédigeant un nouveau en précisant que toutes les dispositions prises antérieurement sont révoquées. Il est aussi possible de révoquer tacitement le document antérieur en en rédigeant un autre contenant des dispositions incompatibles avec les premières. La révocation ne porte alors que sur ces seules dispositions. Cette dernière option, plutôt source de litige, est à éviter.
À noter que révoquer son dernier testament ne fait pas revivre le précédent sauf si le défunt a clairement manifesté sa volonté en ce sens. Une précision apportée par la Cour de cassation (Cass. 1re Civ., 17 mai 2017, n° 16-17123).

3. Dater le document

L’indication manuscrite de la date de rédaction du testament (jour, mois, année) est essentielle. Pour autant, la Cour de cassation a pu décider que l’absence de cette information ne faisait pas obstacle à la validité dès lors qu’elle pouvait être déterminée avec un minimum de certitude. Dans une affaire, la fille du testateur sollicitait la nullité du testament de son père car l’acte était daté du « 21 août 20001 ». Sa demande a été rejetée. Pour la Cour de cassation, il résultait de plusieurs éléments que la date ne pouvait être que le 21 août 2001. En l’occurrence, les juges s’appuyaient sur le témoignage d’une femme qui avait accompagné le père de la testatrice à l’hôpital en août de cette année (Cass. 1re Civ., 9 juillet 2014, n° 13-18685). Dans un autre cas, un homme avait rédigé son testament sans le dater mais un relevé bancaire daté du 31 mars 2014. Il était ensuite entré à l’hôpital le 27 mai 2014, jusqu’à son décès.

La Cour de cassation a estimé que le document avait été écrit entre la date de réception du document bancaire et celle de son hospitalisation (Cass. 1re Civ., 22 novembre 2023, n° 21-17524).

4. Le rédiger entièrement de sa main et le signer

Pour qu’il soit juridiquement valable, le testament olographe doit être rédigé entièrement de la main du testateur, être signé et daté (art. 970 du Code civil). Une règle de validité sans cesse rappelée par la Cour de cassation, comme dans cette affaire où la légataire universelle faisait valoir que le testateur avait signé le testament qu’elle avait rédigé sous sa dictée en présence de deux témoins. Ces derniers avaient eux-mêmes signé le document. Rien n’y a fait, pas même les témoignages attestant de la volonté du défunt de consentir ce legs. Le testament n’était pas valable car son auteur n’avait fait que le signer (Cass. 1re Civ., 15 juin 2017, n° 16-21069). À l’inverse, dans une affaire plus récente, un rapport d’expertise révélait que le chiffre « 9 » qui figurait dans la date du « 26 mars 2009 » n’avait pas été écrit de la main de la testatrice. La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui prononçait la nullité du document au motif que les juges n’avaient pas recherché, en dépit de cette irrégularité, si des éléments liés au document ou extérieurs à celui-ci ne permettaient pas d’établir que le testament avait été rédigé au cours d’une période déterminée (Cass. 1re Civ., 23 mai 2024, n° 22-17127).


5. Énoncer sans ambiguïté ses volontés

Un soin particulier doit être accordé à la rédaction du document. Des clauses ambiguës, contradictoires ou illicites pourraient ne pas être appliquées. Pour davantage de sécurité, le notaire peut rédiger un modèle de testament olographe. Il faut compter environ 150 € d’honoraires (variables selon la complexité du testament).

6. Ne pas prévoir des conditions intenables

Il est possible d’assortir son legs de conditions ou d’obligations. Par exemple, si le testateur souhaite que son argent aille à une action en particulier menée par une association (les personnes âgées, la recherche...) ou que sa tombe soit entretenue. Attention à ne pas être trop précis et restrictif. Si le legs est consenti à une association et si celle-ci ne peut pas se conformer à ces exigences, elle sera obligée de refuser la libéralité ou le préfet pourra s’opposer à la réception du legs. C’est ce qui est arrivé récemment dans une affaire où une dame avait désigné l’association Fraternité française, venant en aide aux personnes démunies, comme légataire universelle de ses biens, avec la charge pour l’association d’accorder la jouissance de presque tous ces biens immobiliers au parti politique FN (nouvellement RN). Cette mise à disposition a été jugée, par le Conseil d’État, comme incompatible avec le but de bienfaisance de l’association. De plus, elle empêchait l’association de tirer un avantage économique des biens légués (CE, 17 juin 2024, n° 471531).
La situation serait similaire si une personne souhaitait que l’argent serve à construire un dispensaire dans tel ou tel pays et qu’à son décès il apparaisse que plus aucune ONG ne soit sur place car le pays est en guerre par exemple. Veillez aussi à toujours nommer précisément une ou plusieurs structures destinataires de votre générosité. Si vous indiquez vouloir que votre patrimoine aille à la recherche contre le cancer par exemple, plusieurs structures pourront revendiquer votre legs et éventuellement devront en passer par le juge. En revanche, pas de risque en cas de changement de nom de la structure : si seul le nom change, votre legs lui reviendra bien.

Sources :

ROSINE MAIOLO - La Lettre conseils des notaires N°83 - Décembre 2024 - Janvier 2025